Les 3 meilleures recrues (actuelles) de Ligue Magnus | Ligue Magnus
Nous sommes le 21 juin et la Synerglace Ligue Magnus reprendra dans 3 mois jour pour jour. C’est l’occasion de faire un premier point sur les meilleures recrues de l’intersaison. On évoque ici uniquement les nouveaux visages du championnat, et non les transferts « internes ».
Nous classons et passons donc au crible les trois profils les plus intéressants. Une évaluation évidemment provisoire puisque le représentant en CHL Rouen n’a pas encore recruté. Amiens l’a fait quelques heures avant la publication du présent article avec Stanislav Lopachuk. L’international biélorusse pourrait être candidat à la troisième place mais il ne bousculera en aucun cas la hiérarchie des deux premiers.
1 Jakub Štěpánek (Grenoble, gardien)
Le moment qui l’a révélé : 2009, des débuts fulgurants
Un champion du monde à Grenoble, c’est le label qui fait vendre, forcément. Mais ce n’est pas le plus pertinent. Si le gardien a passé la médaille d’or autour du cou en 2010, il n’est pas entré en jeu lors de ce tournoi. Il faut remonter un an plus tôt pour assister à sa révélation. Il a 22 ans en 2008/09 quand il est élu meilleur débutant du championnat tchèque (il n’avait joué que quelques rencontres les saisons précédentes). Il devient alors international, dans une équipe de République tchèque qui ne sait plus à quel gardien se vouer quand Vokoun déclare forfait. Il ne compte que 3 sélections, n’a même jamais joué de championnat du monde junior, et est propulsé titulaire au premier match du Mondial 2009.
C’est le début de quatre années où il a participé à toutes les compétitions internationales pour la sélection tchèque. En 2010 et 2011, il était remplaçant derrière les portiers de NHL Vokoun et/ou Pavelec, mais en 2012, il semblait retrouver une place de titulaire… jusqu’à ce que le coach lui préfère Jakub Kovář dans la phase éliminatoire. Il est rentré à la fin de la demi-finale – trop tard – et a gagné le bronze. « Sa » médaille, cette fois, dans laquelle il a pris une part prépondérante. Entre-temps, il s’était établi en KHL au SKA Saint-Pétersbourg, où il avait éjecté de la cage en quelques mois Evgeni Nabokov, gardien russe rentré de NHL à grand renfort de tambours et trompettes.
Quel type de joueur attendre ?
– Un gardien rassurant. Il a un style assez propre. En plus de ses réflexes agiles, il a une capacité à bien lire le jeu et à utiliser parfaitement son grand gabarit (188 cm). Il en impose par sa taille, mais aussi par son vécu. En plus des championnats du monde, il a joué devant 13000 spectateurs à Saint-Pétersbourg et 16000 à Berne, dans des environnements à forte pression du résultat. Grenoble vise le titre ? Les supporters sont exigeants ? Ce n’est pas ça qui lui fera peur.
– Un gardien de play-offs. On avait déjà employé cette expression pour Lukáš Horák, mais on passe là au niveau supérieur. Štěpánek l’avait déjà démontré en 2010 en hissant Vitkovice en finale avec déjà pour coéquipier un Grenoblois, Yorick Treille (il fera cette saison connaissance avec son frère Sacha). Il n’avait certes pas remporté le titre, mais le gardien contre qui il avait perdu le duel en finale s’appelait… Dominik Hašek. Une place très honorable de vice-champion, donc, mais il allait faire encore mieux…
– Un gardien qui rabat les caquets. La plus belle preuve de son caractère décisif en séries est venue six ans plus tard. Berne est poissard : Marco Bührer vient de se blesser, puis Daniel Manzato recruté en remplacement se blesse à son premier match. Le club suisse doit alors utiliser sa huitième et dernière licence d’étranger – ne s’accordant aucun droit à l’erreur – pour Jakub Štěpánek, alors en KHL. Ses deux premiers mois sont difficiles. En saison régulière, il est juste sous les 90% d’arrêts. Après un match moyen qui risque de coûter la qualification des play-offs, il est directement ciblé par un gros titre du polémiste le plus connu du hockey suisse : « Lotter-Goalie ». Une expression fétiche de Klaus Zaugg – c’est bien sûr de lui qu’il s’agit – qu’il est quasiment le seul à employer, et qui signifie « gardien de loterie ». Berne se qualifie alors à la différence de buts, à la huitième et dernière place… puis devient champion suisse avec un Štěpánek magistral. Un gardien de play-offs, a-t-on dit.
La phase d’oubli
Après ses quatre saisons en équipe tchèque, pourquoi Štěpánek a-t-il un peu perdu la cote ? Le SKA Saint-Pétersbourg, club nouveau riche qui dépensait beaucoup sans arriver à gagner son premier titre (avant 2016), n’était pas un endroit facile. La pression y était forte sur les étrangers qui faisaient office de boucs émissaires dès l’élimination. Il n’était pas le plus en faute, mais on le trouvait nerveux. Toute l’équipe l’était et peinait à répondre aux attentes. Il eut moins de pression ensuite dans des formations de KHL aux ambitions moindres (Severstal Cherepovets, et plus tard Slovan Bratislava), mais il était devenu plus anonyme.
Il est réapparu en équipe tchèque qu’une seule fois. Il a pris 4 buts en 10 tirs, et a alors été remplacé par Jakub Kovář, le changement inverse de la demi-finale 2012 et la revanche de ce dernier. On ne reverra jamais plus Štěpánek sous le maillot tchèque…
Un gardien qui a perdu sa place ?
Jakub Štěpánek arrive avec les lauriers de champion tchèque 2021, mais il n’a pas joué en play-offs. C’est donc un mérite ambigu. Replaçons le contexte : Štěpánek, qui vient de rentrer au pays, se fait virer début novembre par Pardubice, dernier d’Extraliga. Un mois plus tard, il signe à Třinec, le champion en titre. Pas besoin de préciser qu’il a vraiment dû y gagner sa place, dans un club ambitieux om elle peut être remise en cause toutes les semaines. Au printemps 2021, c’est bien lui qui est prévu pour aborder les play-offs comme numéro 1… mais il est frappé par la Covid-19 juste avant. L’inattendu Ondřej Kacetl prend sa place et conduit les Oceláři à la victoire.
Pourquoi partir à Grenoble ?
À 35 ans, Jakub Štěpánek pensait finir sa carrière dans sa Moravie natale. Il était encore sous contrat pour la saison prochaine. Mais en plus de Kacetl, Třinec avait aussi engagé Marek Mazanec, passé par la NHL et considéré comme un de meilleurs gardiens du championnat tchèque. Une concurrence à trois en perspective. Grenoble l’a contacté, lui a fait visiter la ville, et l’a convaincu en lui témoignant de la confiance… et une offre attractive. Pour débaucher ce profil, il fallait ça. « Plus cher que Horák mais dans le budget », a précisé le club, qui témoigne de ses ambitions intactes en frappant fort par ce recrutement.
2 – Matthew Pistilli (Mulhouse, ailier droit)
Le moment qui l’a révélé : 2008, champion junior du Québec
Matt Pistilli, né à Montréal, est bien connu dans la Belle Province pour avoir été champion de LHJMQ en 2008. Les Olympiques de Gatineau comptaient alors dans leurs rangs les quatre meilleurs marqueurs des play-offs : le quatrième était Patrik Prokop, ancien international junior tchèque devenu un pilier de Nantes, les trois premiers étaient la super-ligne Byron-Giroux-Pistilli, que personne ne pouvait arrêter durant ces séries. Claude Giroux était considéré comme le meilleur joueur du hockey junior, il est ensuite devenu une grande star de NHL. Paul Byron sortait du lot par sa vitesse de patinage, sa place en NHL n’était pas assurée du fait de sa petite taille (sixième tour de draft) mais il y a fait son trou et participe actuellement aux superbes play-offs de Coupe Stanley des Canadiens de Montréal.
Pistilli, lui, n’était pas drafté, mais sa complémentarité avec ses deux collègues était louée. Ses performances en junior ont quand même attiré l’attention des franchises de NHL. Il a été invité au camp de San José à la rentrée suivante, sans suite, et un an plus tard il a signé comme agent libre avec les Hurricanes de la Caroline. Ils l’ont gardé trois ans dans leur système, principalement en AHL, mais sans lendemain. On ne lui trouvait pas assez d’agilité de patinage pour un rôle offensif en NHL, pas vraiment l’impact physique pour un rôle défensif. Et on parle bien là de la NHL… Si on se place un voire deux niveaux en dessous, il est unanimement considéré comme un bon patineur, avec une vraie présence physique.
Quel type de joueur attendre ?
– Un gros marqueur. 0,33 point par match en AHL, et plus d’1 point par match en ECHL, en DEL2 et au Danemark, et bien sûr en junior majeur. Rien que ces stats font saliver. À tous les âges, sur toutes les glaces, ce garçon a marqué. On ne voit pas de raison qu’il n’en fasse pas autant à Mulhouse.
– Un joueur complet. Pistilli est clairement un joueur à vocation offensive, mais pas unidimensionnel. Il a un tir précis et rapide – qui lui a valu le surnom de « Pistol » au Danemark – mais il a aussi une bonne vision du jeu. Il s’est déjà montré capable d’être un finisseur de près, par exemple en jeu de puissance, mais il y est loin d’avoir gonflé ses stats : quand il a été meilleur buteur de DEL2, il n’avait mis que 5 de ses 32 buts en avantage numérique. Il est donc également fort à 5 contre 5, et se montre capable de défendre.
– Une qualité forte à souligner ? Pistilli est un gros gabarit avec un bonne technique de crosse : quand il a le contrôle du palet et qu’il positionne son corps en protection, il est donc extrêmement difficile de lui prendre, car c’est aussi un grand compétiteur.
– Un gagneur. Le mot pour le décrire à Francfort ? « Ehrgeizig », ambitieux. Et pas uniquement pour lui-même. Il a une volonté de gagner, et aime participer à une culture de la gagne. Lors de ses deux premières saisons européennes, il a été champion du Danemark 2016 avec Esbjerg puis vainqueur de la DEL2 avec Francfort, année où il a terminé quatrième au vote du meilleur joueur du championnat.
Mais alors, qu’est-ce qu’il foutait en Oberliga nord ?
C’est trop beau pour être vrai, cette description, me direz-vous. Et bien… non. Pas vraiment. Francfort l’a gardé trois ans, ce n’est pas rien dans ce club qui aspire au haut niveau avec des supporters exigeants (qui l’appréciaient). Et quand les Allemands ont changé la plupart de leurs étrangers, il est alors retourné à Esbjerg, son club précédent : si ce n’est pas une preuve qu’il avait laissé de bons souvenirs. Ce retour au Danemark avait certes d’abord pris la forme d’un essai de 3 matches, mais c’était juste parce que le club attendait l’aide de ses partenaires pour ajouter ce joueur non prévu au budget. Le seul défaut qu’on puisse citer est peut-être d’avoir fixé la barre presque trop haut dès le début avec un titre dès son arrivée. Il était un peu moins dominant à son retour à Esbjerg, dans une équipe rentrée dans le rang.
Comment un tel joueur a-t-il donc pu se retrouver à Rostock, dans un des plus petits clubs de hockey professionnel ? Il ne vous aura pas échappé qu’en 2020 il y a eu un petit évènement appelé Covid-19. Les recrutements étaient bloqués, et en septembre, les joueurs sur le marché étaient nombreux et les ligues à l’arrêt. Pistilli était donc content de signer en Oberliga, un championnat qui avait le mérite de reprendre. Il y a formé un duo étranger avec John Dunbar (connu pour un passage de Mulhouse en D1 avec 13 points en 8 matches), et n’y a pas déçu. Mais il voulait bien sûr rejouer à un niveau supérieur.
Pourquoi Mulhouse ?
Pour la Magnus, on espère vous en avoir convaincu, Matthew Pistilli est un gros calibre. Pour Mulhouse, a fortiori. Pour qu’il ait choisi les Scorpions, il faut forcément qu’il y ait eu des facteurs favorables. Il y en a deux. Le premier est géographique : sa femme travaille à Stuttgart, à 2h30 de route de Mulhouse. Le second est l’entraîneur (et directeur sportif) : Pistilli connaît son futur coach Alexandre Gagnon, québécois comme lui, et né la même année.
On attend de voir la forme définitive de l’équipe, car Pistilli n’est pas un joueur qui fait les choses seul mais qui travaille avec ses coéquipiers. Il ne fait aucun doute néanmoins que c’est un enrichissement pour la Synerglace Ligue Magnus. Il aura 33 ans en octobre, ce n’est pas encore un joueur en fin de carrière.
3 – Evan Cowley (Angers, gardien)
Le moment qui l’a révélé : juin 2013
Evan Cowley est recruté par l’université de Denver pour remplacer Juho Olkinuora (le gardien récemment vice-champion du monde pour la Finlande) qui a décidé de passer pro sans attendre fin de son cursus universitaire. Quelques jours plus tard, il est repêché au quatrième tour de draft par les Florida Panthers. Il n’a pas encore 18 ans, mais dans l’insouciance de la jeunesse, tout semble lui sourire et une belle carrière professionnelle semble s’ouvrir à lui.
Mais au fait, il est canadien ou américain ?
Les deux, mon général. Il a la double nationalité. Il est né au Canada mais il a grandi à Evergreen dans le Colorado. Il a donc recruté comme « enfant du pays » par l’université de Denver. Sa formation de hockeyeur est entièrement américaine, et il a fait un camp de gardiens et quelques matches amicaux avec l’équipe nationale des moins de 18 ans dans le cadre du programme de développement des États-Unis.
Preuve que les cultures sportives sont aujourd’hui moins éloignées entre les continents, il jouait beaucoup à la console au lycée… à FIFA. C’est en effet un amateur de « soccer » dont le joueur favori est un certain… Kylian Mbappé.
Une carrière universitaire réussie ?
Sur le plan des résultats collectifs, oui, puisqu’il a été champion NCAA en 2017. Un trophée prestigieux et très difficile à remporter, convoité par une soixantaine d’universités au début de chaque saison. Mais ce trophée a été remporté par l’autre gardien, Tanner Jaillet, qui a joué toutes les phases finales nationales et qui a été élu gardien universitaire de l’année. Jaillet, qui fait 15 centimètres de moins et n’était non drafté, est entré plus tard mais aussi plus âgé à l’université et a supplanté Cowley.
Les plus perspicaces auront identifié que Patrick Munson, gardien de Briançon cette saison, était lui aussi à Denver en 2016/17. Mais il n’entrait pas dans cette concurrence. Selon les règles de la NCAA, il était inéligible pendant une saison après avoir changé d’université et ne pouvait donc être aligné en match. Le but de Munson était alors de succéder à Cowley une fois que celui-ci aurait son diplômé (il a finalement rechangé d’université).
Dans tous les cas, la perte de sa place de titulaire a barré les rêves de NHL de Cowley. Les Panthers de Floride l’ont invité à un camp, mais jamais signé. À sa sortie d’université, il a été engagé avec une équipe d’AHL (les Thunderbirds de Springfield). Il n’était que cinquième dans leur hiérarchie mais a tiré son épingle de jeu en profitant de blessure pour jouer 14 matches en AHL. La suite de sa carrière s’est ensuite faite en Europe.
La carrière européenne ?
De très bonnes stats en Pologne (93% d’arrêts) ? Non. La qualité des stats de gardien est toute relative dans certains championnats, et la Pologne en fait partie. Tous les portiers y ont des stats un peu gonflées qu’il ne faut pas surévaluer.
Des stats inquiétantes au Danemark ? Encore non. Il était sous les 90% d’arrêts avec Odense en 2019/20, mais les remarques sur les stats polonaises valent à l’envers pour les chiffres danois, car le meilleur gardien cette saison-là était à 91% à peine. Surtout, Evan Cowley évoluait dans un club de bas de tableau, dernier du championnat, ce qui permet rarement à un gardien de briller sur le plan statistiques. D’ailleurs, comme la saison d’Odense devait se finir tôt (elle s’est finie pour tout le monde pour cause de Covid), Cowley avait été contacté par Stavanger Oilers, un club norvégien de haut niveau. Odense avait refusé car le gardien canado-américain était populaire auprès des supporters.
La Slovaquie, une destination étonnante ? Toujours non. Nitra est un club slovaque qui s’est fait une spécialité de recruter des gardiens nord-américains. En février dernier, il a d’ailleurs engagé un autre ancien gardien du championnat danois, Matt O’Connor, qui a plus d’expérience professionnelle y compris 1 match de NHL. O’Connor a semblé supplanter Cowley sur les derniers matches de saison régulière, mais celui-ci plutôt mieux négocié les play-offs.
Quel style de jeu et quelles attentes ?
Evan Cowley allie deux qualités majeures d’un gardien : la taille (1m93, 91 kg) et la vitesse de déplacement. Athlétique, il se met en position avec détermination. Il a aussi de très bonnes qualités techniques avec le palet.
En choisissant de remplacer Florian Hardy, les Ducs n’ont pas opté pour un nom aussi connu, ni aussi vendeur. Ce n’est pas a priori la recrue la plus « sexy » du championnat… mais en revanche, c’est un gardien encore jeune et pas encore au sommet de son développement. Cela colle bien à un club comme Angers qui se construit dans l’ambition. In fine, il ne semble pas être une recrue à risque : il a connu beaucoup de championnats, beaucoup de styles de jeu, il sait déjà évoluer sur grande glace et dispose de bons fondamentaux. On sait que Mickaël Juret observe de près le choix des gardiens.
Une dernière info de circonstance pour la journée ?
Puisque c’est aujourd’hui la fête de la musique, notons que Cowley est justement un grand amateur de musique, qui joue de la batterie.